Le choix : Djibouti à la croisée des chemins
Article dédié à ceux luttent et aux martyrs J’ai commencé cet article en voulant honorer la mémoire de Ahmed Dini, Un homme intègre et un homme de principes, le genre de personnalité que nous avons besoin actuellement, l’homme de la situation.
Des que j’ai pris la plume, les noms des héros et des martyrs ont défilé devant moi et puis ceux qui luttent actuellement, les Oulémas et les politiciens, la lutte continue depuis. Ils partagent tous la même mission : rétablir la justice «Cadaalad baan donayna dulmiigaan diidaynaa» Aujourd’hui comme hier, ils nous interpellent, pour la lutte à la justice, les cheikhs du fond de leurs cellules. Les politiciens devant le choix déchirant du dilemme de l’heure, être des leaders ou des dealers. Les Oulémas attendent patiemment la justice divine et un réveil populaire.
Mais une question se pose? Qu’est ce qui fait que ceux qui luttent terminent leur course au trou et non au panthéon et leur mémoire à l’oubli? Qu’est ce qui ne va pas avec notre société? Quels sont les leaders qui méritent notre respect? Quelles solutions pour sortir de l’impasse? Une culture corrompue Le traitement que réserve notre peuple à ceux qui luttent, ceux qui refusent de plier l’échine, ceux qui payent de leurs biens et mêmes de leurs vies leur engagement pour l’indépendance, la justice, la liberté et la dignité humaine est inacceptable.
C’est un traitement symptomatique d’une culture corrompue, c’est une culture de suicide collective qui récompense les lâches, les sangsues, les paresseux et les antis héros. La culture est une question de choix quotidien entre liberté et servitude, entre justice et injustice, entre grandeur et ridicule, entre lutte et lâcheté entre oubli et mémoire entre vie et mort. Nous vivons dans un petit monde à l’envers, imagine quelqu’un qui vole les caisses de l’État et cela n’indigne personne au contraire il s’affiche et s’exhibe. Un tortionnaire se promène dans nos rues et un homme qui ordonne la justice doit s’inquiéter pour sa sécurité. Pour nous remettre à l’endroit, la peur doit changer de camp, le mérite doit retrouver ses candidats. L’histoire se répète, une solution s’impose pour finalement mettre les ressources ensemble pour corriger cette culture d’un autre âge. Dans une de ses notes, Rabeh, qu’Allah lui fasse miséricorde, a souligné ¨que nous voulons régler des problèmes culturels avec des solutions politiques. Il faut de ce fait repenser la lutte, il nous faut un mouvement d’abord pour appuyer les partis, il nous faut un réveil populaire sinon cela risque d’être un jeu de bonnet blanc, blanc bonnet ou Dupont et Dupond. Frantz Fanon reconnait dans son livre les damnés de la terre, les dommages des peuples soumis et subjugués par une puissance plus forte.
L’aliénation avec tous les syndromes que cela entraine. Dans notre livre Saint Allah illustre la véracité de l’observation de la Reine Sabaa lorsque les puissances s’emparent d’une cité. « En vérité, quand les rois entrent dans une cité ils la corrompent, et font de ses honorables citoyens des humiliés. Et c’est ainsi qu’ils agissent. » En fait l’indépendance n’était que le début de cette lutte permanent contre les forces obscures, notre propre faiblesse, cela même qui nous rend vulnérable pour toutes sortes de prédateurs. Une longue marche s’impose vers la lumière et vers la liberté, le temps est arrivé pour mettre nos ressources ensemble pour cette libération et cette fois finale.
Une société au bord de la damnation Sans direction claire « Un peuple qui oubli son passé se condamne à le revivre» disait Winston Churchill De l’idéologie à la politique en passant par le social et l’économie, il est clair que nous sommes une société qui déchante, un pays sans ombres, sans racines donc sans avenir. Qui sommes nous? Quel est le corpus idéologique de référence? La référence commune à nous tous, celle que l’on se reporte pour gérer nos affaires, régler nos différends, la clé ultime de nos problèmes, celui qui guide notre quotidien, Le Coran, la Constitution , le Xeer tribal ou un mélange de tout sans cohérence à l’image de notre situation actuelle. Un melting pot idéologique pour une descente en enfer.
L’héritage de notre parcours, nous nous retrouvons sans direction claire, ni Est ni Ouest ni du milieu. La preuve, les Oulémas du peuple injustement incarcérés et cela ne soulève aucune indignation populaire. Le despote peut, à sa guise et selon son désir, garder indéfiniment les hommes de foi et tout autre citoyen. Il a été ainsi.
Cela n’est pas la première fois, hier lorsque le héros national était déchu de leur nationalité, personne n’a levé le doigt, hier encore lorsque Dini avait quitté le gouvernement en dénonçant l’injustice personne n’a parlé. Et J’en passe. Où sont passés les hommes qui ont payé le prix ultime, Ceux qui hier ont sacrifié leurs vies et leurs biens pour la justice et pour la dignité? Comment traitons-nous leurs mémoires et leurs enfants? En fait la lutte fut toujours entre la justice et l’injustice. L’histoire révèle notre vrai visage, un peuple sans voie. A nous de choisir! Sans modèle politique Dès lors que le fondement idéologique est chancelant, il n’y a aucune cohérence, le produit dérivé est à son image.
Sommes-nous dans un État tribu ou une république, avez-vous déjà discuté avec les membres influents de la société Djiboutienne, ceux qui font la pluie et le beau temps dans ce coin du monde. Demandez leur c’est quoi leur modèle? Comment donc voit-il la chose publique? Faites donc un sondage pour voir leurs aspirations. Posséder une belle villa et être un potentat pour son clan. Et jouer avec le mot démocratie comme modèle importé sans les principes de transparence, d’alternance, ni d’imputabilité etc.
Il y’a une société à deux vitesses, le paradoxe, c’est la cohabitation, entre le modèle tribal et la république, un casse tête, les membres qui doivent légiférer doivent être choisi selon un quota tribal et les ressources et les richesses du pays se redistribuent selon l’étiquette tribale… pas de mal à cette forme d’organisation le problème c’est lorsque, l’on se réclame république en même temps, lorsque l’on octroi des pièces d’identité et que l’on affiche dans sa constitution des articles qui prônent l’égalité. Quelle dénomination l’habitant doit-il avoir pour s’identifier? Un citoyen ou un membre d’une telle tribu? Si le modèle de partage imposé aux Somaliens est le 4.5, nous pratiquons depuis l’indépendance le 2.4. Et ce modèle testé à Djibouti qui est importé vers la Somalie. Pauvres habitants, ni citoyens ni clan élu, à la merci des aléas et des humeurs des cadres véreux. Les effets de l’aliénation, l’être dominé n’est pas total, c’est un être blessé dans son être, amoindri. Les institutions ne sont pas fonctionnels elles ne sont que de faire valoir, des institutions de façade.
Sans idéal social Djibouti, Terre d’échanges et de rencontre, de qui et de quoi? Quel est l’ambition de cette république, est elle la roue de secours du puissant voisin comme l’a prédit Rabeh ou la clé de la Mer Rouge comme l’a écrit Robleh? En fait ni l’un ni l’autre, elle devient ce que les autres voudront en faire d’elle? Les pères fondateurs n’ont pas achève leur travail, leur rêve, ils ont été trahis avant l’heure.
Djibouti, une ambition inachevée serait le nom de la lutte, c’est pourquoi ceux qui se sont penché sur son cas, intellectuels, historiens et politiciens découvrent une énigme non encore résolue. Pour Daher A. farah, c’est une splendeur éphémère, un pays sans ombre pour Abdirahman Waberi et une nation en otage pour Ali Coubba qui a exploré les monologues de ces groupes où l’injustice est une norme sociale. Djibouti doit être à la fois le Zeyla du 16e siècle, le Harrar du 17e c’est à dire le pole spirituel, économique et pourquoi pas le pole politique de la Corne.
Prenez Harbi qui avait l’ambition de gouverner la Corne à partir de Djibouti, qui a aujourd’hui la vision de cet homme? Djibouti pourrait être laboratoire de la modernité, une place où les communautés pourraient réécrire leur destin autrement, un point de sortie de ce cercle vicieux, un havre de justice. Nos leaders, un exemple à suivre A étudier et entendre l’histoire de leaders de notre contrée, on est forcé au respect de leur mémoire et leur reconnaissance. En oubliant leur lutte et à ce a quoi ils ont payé de leur vie nous trahissons la mission, notre part de lutte, Fanon rappelle aux générations Africaines, « Chaque génération doit dans une relative opacité, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir ». Ils se sont levés contre l’injustice, ils ont dit non à l’exploitation de l’homme par l’homme.
Les circonstances exceptionnelles produisent des hommes exceptionnels. On a besoin des hommes de leur calibre pour continuer la marche entamée vers la lumière et la liberté, libre enfin de toute dépendance. Voila quatre de ces grands hommes que j’ai choisi, Harbi, Andoleh, Ahmed Dini, et Rabeh. Ils ont en commun la foi, le courage, la détermination, le sens du sacrifice et du devoir, l’amour de leur peuple, l’amour de leur terre, un grand sens de justice. Ils ont répondu présent à l’appel du destin. Ils ont dominé leur ego pour tracer les chemins de la justice, de la lutte et de l’unité.
Ce sont des martyrs qu’Allah les récompense de leur effort. Harbi, l’homme de l’action Harbi, c’est cette force qui mobilise la foule et cette boule de courage, c’est ce stratège qui s’est entouré des cerveaux, les meilleurs de son temps au nombre de quarante. Un leader qui n’a pas peur de dire la vérité aux siens lorsque ces derniers hésitent de prendre part à la lutte. Dans le livre de son compagnon de lutte, Omar Kahin, Ma Naxe, il apparait comme un homme clairvoyant et un politicien hors pair. Il a vu grand au delà des clivages, c’est un homme d’action et de principes. Avant son temps, il a voulu faire de Djibouti, le cœur de la lutte pour le renouveau de la Corne. Il avait une vue qui ratissait large sur les traces d’Ahmed Gureh et du Sayid.
Andoleh, notre Lumumba
L’homme du penser global et de l’action locale. Il a tourné le globe pour connecter le mouvement de libération dont il est l’un des fondateurs, le Front de Libération du Côte de Somalis aux grands mouvements de l’époque. Il a rencontré tour à tour, Zhou EnLai et Ho Chi Ming, et autres leaders du bloc des pays non alignés.
Qui a l’étoffe de ce leader?. Ceux qui sont encore dans l’aliénation se tournent vers ceux qui les défendent prenant ainsi le parti de l’oppresseur et adoptant sa rhétorique. Lumumba fut accusé d’agent au service d’une grande puissance puis lynché, torturé et son corps fut dissout dans acide chlorhydrique, les colons font ainsi à tout leader porteur de grand rêve pour faire disparaitre tout trace de sa lutte, de sa mémoire.
Imaginé les derniers moments de ces martyrs aux mains de ses bourreaux assoiffés de sang et les derniers mots de ces martyrs, que la lutte continue afin que leurs enfants ne subissent plus ces genres de sévices, plus aucune humiliation, libre enfin de toute oppression. Sommes-nous dignes de leur sang? Il est de notre intérêt d’honorer et de continuer la cause pour laquelle ils ont tant donné. Dini, l’homme de la foi L’intègre, le peuple dans ses moments de lucidité l’a acclamé à l’unisson Wa Dini iyo dinta.
Quel autre témoignage plus fort que cela? Gouled a choisi une victoire sans substance et personne ne lui a rappelé. Son Ami Rabeh l’a qualifié d’homme d’État. État rime avec rationalité et logique, les institutions de l’État ont besoin des règles et des lois cohérentes et efficaces. Une administration de l’intérêt général a besoin de tous ses sujets et toutes ses ressources pour être optimale. L’État doit donc conjuguer ensemble les ressources matérielles et humaines et trouver un système pour harmoniser toutes les fractions. Dini par son intégrité et son savoir faire, aurait réduit ses fractions au plus grand dénominateur pour le plus grand bien de tous.
Il est revenu une seconde fois devant nous pour proposer ses services, nous avons été absents ou pas assez déterminés pour choisir la voie de la justice. Ainsi nous avons raté le rendez vous, les grand hommes sont rares, ils apparaissent ici et là pour nous servir. Nous devons répondre à leur invitation. Dans les nations qui se respectent, il y’a des mécanismes de détection, de suivi et des préservations de ses lumières, de ses denrées rares car ils sont les phares qui orientent, les bergers de la nation. Les leaders sont ceux qui tissent les liens entre les hommes et leur Créateur, montrant la voie du Salut. Ils tissent les liens entre les hommes eux-mêmes pour faire de leur séjour temporaire ici bas, un moment de préparation, de dépassement de soi et d’ultime sacrifice pour cette rencontre tant attendu. Les leaders sont aussi des constructeurs de systèmes, des architectes de moyens pour faciliter l’indépendance d’esprit et de cœur. Libre de toutes entraves et de tous besoins pour célébrer cette gloire: la gloire du Souverain. Nous suivons malheureusement ceux qui nous réduisent à tous sortes de dépendance qui font appel à nos instincts primaires et nous subjuguent par la peur, methode apprise de leurs maitres, les dealers de tous sortes, marchandant tout à leur passage: principes, hommes et biens. A nous de choisir.
Rabeh, le visionnaire Rabeh, un frère et un ami, un homme de grande conviction, un visionnaire, l’éducateur du peuple. Un homme à la grandeur d’âme, sa réflexion et son action toujours tourné vers l’intérêt général, le bien être et la sécurité des siens. A vingt ans, il fait le choix, il choisit de se mettre au service de son peuple contre le mal du moment, le colonialisme. Dans la prison coloniale, il investit son temps à sa formation, il sort charger de connaissance. Témoin de la dérive de la politique vers l’État tribu, il la dénonce dans ses écrits, il met en garde contre l’étroitesse d’esprit qui ne profite qu’à ceux qui veulent exploiter notre faiblesse, il nous propose de voir grand et loin en nous invitant de briser finalement ce qu’il a appelé le mur de sens.
De son exil au Canada, combattant jusqu’au bout, il investit son temps à l’éducation des enfants, ces fleurs du peuple. Une priorité pour ces nomades pris dans la tourmente de la modernité. Il crée une école, École Ibn Batouta, institution éducative pour équiper cette jeunesse d’une culture gagnante, l’héritage d’une civilisation, les meilleurs de deux mondes. Une autre forme de lutte et cette fois au service du futur. Il invite la diaspora à lutter autrement. Un homme exceptionnelle, qui par ses projections a pu démontrer les phases de la descente en enfer de la nation Somalie, de la guerre civile fratricide, au morcèlement du pays en passant par l’invasion de l’Abyssinie. Rabeh, c’est le rêve d’une nation sur le chemin du Seigneur enfin libre et indépendante de toute domination.
Avant son grand départ, il nous a vu grand, lumineux, maitre de notre destin, une victoire proche. La grande marche Il nous faut un mouvement, une grande marche au sens propre comme au sens figuré vers la liberté et vers l’indépendance à la fois individuel et collectif. La situation actuelle requiert un effort plus fort et plus soutenu que des partis politique, que quelques personnalités. Ce n’est point une force extérieure qui nous oblige de voler les caisses de l’État, de torturer nos concitoyens, d’avoir de double discours résultat d’une corruption culturelle, d’une aliénation. Un homme nouveau d’abord, confiant en lui-même libéré de ses contradictions, en paix avec lui et avec ses frères qu’il partage une identité commune et finalement solide dans ses convictions et dans ses droits. Au service de l’intérêt général, au service de ses frères.
A l’instar de ses hommes qui ont donné de leur vie pour nous libérer du joug oppresseur. Il nous faut un mouvement collectif car nos problèmes ne sont pas des problèmes de personne ni de tribu. C’est la lutte entre la justice et l’injustice, «cadaalad baan doonaynaa dulmiigaan diidaynaa,» entre le passé et le futur, entre le « dealership » et le leadership, et une culture forte et gagnante, celle de nos prédécesseurs. Nous sommes une communauté de destin. Le temps des dictateurs est révolu, cela demande de notre part de ne point agir sur l’effet de la passion et de l’émotion. Nous devons discuter et réfléchir ensemble pour trouver des solutions à nos problèmes en bâtissant une nouvelle façon de vivre et ainsi rétablir enfin une justice digne pour ces fils nobles réduits à des étiquettes claniques. Nous pouvons tous s’exclamer avec fierté, je suis tel, fils de tel, habitant de cette région vaste et riche, j’ai le droit à la paix, à la sécurité, à la justice, de jouir des fruits de cette terre, j’ai le droit à la santé, à l’éducation.
Conclusion
En réalité, nos leaders ont rencontré de la résistance et pourtant cela n’a pas amoindri leur volonté de servir, de lutter, leur courage de dire la vérité et de combattre pour un idéal de justice et d’égalité. Ils ont fait leur devoir. Et ils seront récompensés pleinement. Actuellement, notre pays se trouve à la croisée des chemins. Dans ce contexte, une élite intellectuelle, politique et économique devraient émerger comme force capable d’assurer l’alternance en suivant la voie tracée par nos martyrs. Prenez garde, soyons vigilant en effet encore une fois la trahison et la déception rodent comme toujours, la lutte peut être compromise par des ambitions personnelles et un esprit arriviste qui préfèrent la continuation du mode de gouvernance actuel, le 2.4, la source même de cette déconfiture sociale, économique et politique. Ceci est une mise en garde à nos politiciens, à nos nouveaux riches et intellectuels de service qui veulent tout compromettre par leur précipitation et avidité. Main dans la main agissons contre toutes les formes d’abus, refusons que nos oulémas et toute personne pour la justice et les reformes soient derrière les barreaux. Ceux qui méritent notre colère sont les bourreaux, les voleurs de biens publics, les corrupteurs, ceux qui attisent la haine entre frères. Ensemble, pour enfin bâtir une société prospère consolidée par un véritable État de droit.
Abdillahi Ojor